La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme C A a été engagée par la société Eurotherm Vitesse Variable aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la SAS Parker Hannifin France, le 1er août 2000, en qualité d’assistante commerciale, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

La société Parker Hannifin France appartient au Groupe Parker dont le siège est situé à Cleveland dans l’Ohio. Elle est leader mondial des technologies du mouvement et du contrôle, offrant des solutions précises et élaborées pour un très large éventail de marchés tous différents, revendiquant une expertise dans neuf domaines technologiques majeurs, à savoir : l’aérospatiale, la climatisation, l’électromécanique, la filtration, le traitement des gaz et des fluides, l’hydraulique, le pneumatique, la maîtrise des procédés et l’étanchéité.

Le groupe Parker commercialise ainsi 900 000 produits très variés auprès de 427 000 clients sur 1 200 marchés distincts auprès de secteurs géographiques mondiaux, la zone Nord America, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (zone dénommée EMEA et appelée communément zone Europe), l’Amérique latine, l’Asie pacifique.

Selon le Livre II, « Chaque Groupe est organisé en divisions. Une division a la responsabilité de la conception et de la fabrication de ses produits sur une zone géographique définie, comme l’Europe par exemple.

Chaque division a la responsabilité et l’autonomie pour l’élaboration de sa stratégie, ses budgets, sa performance et son suivi financier.

Le Groupe PARKER est présent dans 48 pays, à travers 142 divisions. Il est composé de 60 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires mondial d’environ 13 milliards de dollars ».

En France, le groupe Parker est organisé sous forme d’une UES Parker France qui regroupe la société Parker Hannifin Manufacturing France, dont l’activité est liée à la conception et à la production des produits, et la société Parker Hannifin France, appelée « Sales Company », dont l’activité est liée à la vente des produits, structures mises en place en 2011 dans le cadre d’un projet EBI (European Business Initiative).

A également été mis en place une entité Suisse du Groupe Parker qui fait l’acquisition des matières premières permettant la production par les filiales de Parker Hannifin Manufacturing qui lui rétrocèdent les stocks de produit finis qu’elle vend ensuite aux sales compagnies (société Parker Hannifin).

Le 25 septembre 2013, l’UES Parker France a engagé une procédure d’information et de consultation concernant un projet de réorganisation des activités de l’UES Parker France.

Le 25 octobre 2013, l’UES PARKER France a conclu avec les organisations syndicales un accord de méthode dans le cadre du projet de licenciement collectif pour motif économique.

Dans les conditions de cet accord, du mois d’octobre 2013 au mois de mars 2014, le comité central d’entreprise, les comités d’établissements, et les CHSCT étaient consultés lors de plusieurs réunions concernant le projet de licenciement pour motif économique, ses conséquences en termes d’emploi et les mesures sociales d’accompagnement envisagées. De nombreuses réunions de négociations avec les OS représentatives au sein de l’UES étaient aussi mises en ‘uvre.

Le 20 mars 2014, l’UES PARKER France a conclu avec les organisations syndicales :

— un accord collectif majoritaire sur le plan de sauvegarde de l’emploi et les modalités de consultation des instances et des organisations syndicales,

— un accord collectif majoritaire partiel sur le périmètre d’application des critères d’ordre.

Le 3 avril 2014, la direction du travail a rendu une décision de validation des accords collectifs partiels signés le 20 mars 2014 et d’homologation du document unilatéral relatif au projet de licenciement économique prévoyant le transfert de 51 postes, la suppression de 224,5 postes, et la création de 64 postes au sein de l’UES Parker France.

L’UES Parker France employait à l’époque 1 690 personnes, réparties sur treize établissements, notamment Rennes, Dijon, Annemasse, Contamine-sur-Arves, certains établissements ayant des salariés des deux entités juridiques comme l’indique le Livre II, l’entité juridique Parker Hannifin France SAS étant présente sur six établissements, l’entité juridique Parker Hannifin Manufacturing France SAS étant présente sur treize établissements.

La commercialisation des activités de chaque division était effectuée en France par la société Parker Hannifin dont le siège social est à Contamine- sur-Arves. Il existe une Sales company par pays en Europe, laquelle commercialise l’ensemble des produits développés et fabriqués par les sites européens.

Sur le site de Dijon, neuf salariés ont fait l’objet de la mesure de licenciement collectif pour motif

économique en cause. Ils étaient employés, pour trois d’entre eux par la SAS Parker Hannifin France, les six autres étant salariés de la SAS Parker Hannifin Manufacturing France.

Au sein de l’établissement de Dijon de la SAS PHMF, quatre des salariés concernés – MM. X, Demangeot et Greatti et Mme Y – étaient affectés aux « CPM, […], Value Stream », constituant des « Produits SSDE », étant précisé que les […]
– constituent les subdivisions des productions de chacune des BU – Business Unit -, elles-mêmes subdivisions de chacune des divisions.

Les produits SSDE [Servo Systems Division Europe] du site de Dijon étaient effectivement, et pour partie, affectés par le plan de restructuration et délocalisés au siège de la division SSDE de Littlehampton, au Royaume-Uni, dans le cadre de la délocalisation et du remplacement des variateurs Digivex par les variateurs 890.

Deux salariés – Mme E-F et M. Z – étaient affectés aux productions EME du site de Dijon, productions partiellement concernées par le plan de restructuration dans le cadre de la délocalisation d’activités d’assemblage vers le site de Chomutov, en Tchéquie, et des activités électriques vers le site de Littlehampton de la division EME, dont le siège est à Offenburg en Allemagne.

Enfin, trois salariées – Mmes A, D et B – étaient affectés à la force de vente/Sales Company de l’établissement de Dijon de la SAS Parker Hannifin France, les activités de la Sales Company étant délocalisées pour être regroupées sur le site de Contamine, en Haute-Savoie.

C’est dans le cadre de cette mesure de licenciement collectif pour motif économique que Mme A a été informé, par lettre du 10 septembre 2014, de ce que son poste de travail était concerné par le plan de réorganisation de l’emploi. Neuf postes en reclassement interne lui étaient proposés, un délai de quinze jours lui étant accordé pour accepter ce reclassement, étant précisé que son silence équivaudrait à un refus. Un questionnaire de mobilité était également transmis à la salariée qui devait être retourné à la société dans un délai de six jours ouvrables, l’absence de réponse dans ce délai valant refus de recevoir des offres de reclassement à l’étranger.

N’ayant reçu aucune réponse de la part de Mme A, la SAS Parker Hannifin France a procédé à la rupture du contrat de travail de l’intéressée par lettre du 8 octobre 2014 énonçant le motif du licenciement dans les termes suivants :

« Madame,

Nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif

économique.

Celui-ci est justifié par la réorganisation des activités en France de l’UES PARKER, réorganisation indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité.

En effet, comme vous le savez, l’UES France est aujourd’hui confrontée à une agressivité

croissante de ses concurrents sur la plupart de ses marchés.

Cette concurrence exacerbée a les conséquences suivantes :

– des prix de vente qui baissent,

– des produits qui se banalisent de plus en plus,

– des exigences clients de plus en plus fortes sur la qualité et le service,

– certains segments d’activité deviennent déficitaires,

– d’autres connaissent des difficultés croissantes en matière de compétitivité.

Ce contexte économique et financier rend absolument nécessaire la mise en place d’une

réorganisation de l’activité de l’UES PARKER France pour consolider son activité en France et sauvegarder sa compétitivité.

Cette réorganisation implique de nouveaux investissements dans la production et l’innovation, la recherche de la compétitivité, la rationalisation des coûts et l’optimisation de son organisation.

Cette réorganisation implique notamment pour les activités de la Sales Company :

– la poursuite de la centralisation de toutes les activités commerciales sédentaires sur le site de Contamine avec arrêt des entités commerciales de Dijon – Les Ulis, Rennes et Guichen,

– l’optimisation de l’organisation et des processus sur le site de Contamine,

– l’optimisation des flux logistiques,

– la révision du Business Model de la Sales Company.

Dans ce cadre votre emploi d’assistante commerciale au sein de la catégorie homogène d’emploi « coordinatrice front desk » est donc malheureusement supprimé, tout comme l’ensemble des postes relevant de votre catégorie professionnelle.

Nous avons déployé tous les efforts possibles pour vous reclasser au sein de l’UES Parker France et du groupe Parker.

À cette fin, nous avons pris contact avec les différentes sociétés du groupe afin de recenser les postes disponibles qui pouvaient vous être proposées en application de l’article L. 1233-4 du code du travail.

Par courrier en date du 10 septembre 2014, nous vous avons par ailleurs proposé différents postes en vue de votre reclassement.

Nous vous avons également interrogée sur votre souhait éventuel d’un reclassement au sein d’une filiale du groupe à l’étranger.

Au terme d’un délai de réflexion qui vous était imparti, vous n’avez pas répondu à cette proposition de reclassement.

En outre, vous n’avez pas donné suite à notre proposition de recevoir des offres de poste à l’étranger.

Ne disposant d’aucun autre poste de reclassement disponible, nous sommes donc contraints, par la présente, de vous notifier la rupture de votre contrat de travail.

Nous vous rappelons que vous bénéficiez des mesures sociales prévues par l’accord collectif majoritaire partiel du 20 mars 2014 sur le plan de sauvegarde de l’emploi.

[…] ».

Le 10 mars 2015, contestant la légitimité de la rupture, Mme A a saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant à l’indemnisation de son préjudice.

Par une décision du 20 décembre 2016, le conseil de prud’hommes de Dijon s’est déclaré en partage de voix.

Par jugement du 4 mai 2018, la section Industrie du conseil de prud’hommes de Dijon, présidée par le juge départiteur, a jugé le licenciement de Mme A privé de cause réelle et sérieuse, faute pour l’employeur de communiquer les éléments permettant d’apprécier les difficultés effectivement rencontrées par les cinq divisions européennes restantes qui pourtant participaient toutes au fonctionnement de la Sales Company à laquelle appartenait la salariée. La SAS Parker Hannifin France a été, en conséquence, condamnée à lui payer une somme de 35’080 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été régulièrement frappée d’appel par la SAS Parker Hannifin France le 19 juin 2018.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur le motif économique du licenciement de Mme A

Attendu que, pour contester la légitimité du licenciement prononcé à son encontre, Mme A soutient :

— que la lettre de licenciement raisonnerait au niveau de l’entreprise définie comme étant l’UES Parker France, de sorte que le motif économique ne serait pas exprimé au niveau du groupe ou du secteur d’activité du groupe, irrégularité suffisant à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse,

— que la lettre de rupture viserait l’activité à laquelle la salariée était affectée, l’employeur considérant à tort que le secteur d’activité devait être recherché à un niveau inférieur à celui de l’entreprise,

— que l’employeur revendiquerait un périmètre d’appréciation du motif économique trop limité, omettant de considérer son appartenance à un groupe ;

Attendu que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu’un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié ; que pour avoir une cause économique, le licenciement doit, selon les termes de l’article L. 1233-3 du code du travail, être prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l’entreprise, soit à une cessation d’activités ; que la réorganisation, si elle n’est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient ;

Attendu qu’il revient à l’employeur de justifier que des difficultés futures sont prévisibles et qu’il est nécessaire de les anticiper, afin que l’entreprise soit encore en mesure d’affronter la concurrence, nonobstant les évolutions qu’elle doit subir ; que la cause de licenciement invoquée ne peut être admise que si la preuve est rapportée de l’existence d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise et devant entraîner une dégradation de sa position sur le marché, susceptible d’engendrer des difficultés économiques à venir et à compromettre les emplois, s’il n’y était pas porté remède par des mesures d’anticipation ;

Attendu que la sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats, et que, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement ;

Attendu que lorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, les difficultés économiques de l’employeur doivent s’apprécier tant au sein de la société, qu’au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d’activité, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ;

Attendu que le juge prud’homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur ; qu’il ne peut cependant se substituer à ce dernier quant aux choix qu’il effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation ;

Attendu que le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement ; qu’il peut cependant être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité ;

Attendu, par ailleurs, que, selon l’article’L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ;

Attendu que le manquement par l’employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l’entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Attendu que le licenciement économique d’un salarié ne pouvant intervenir que si le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise ou dans le groupe dont elle relève est impossible, il appartient à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, en justifiant qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu’un reclassement était impossible ;

Attendu que l’employeur doit rechercher et proposer au salarié les postes disponibles avant tout licenciement économique ; que le reclassement doit être tenté avant la notification du licenciement ;

La motivation de la lettre de licenciement :

Attendu que la SAS Parker Hannifin France fait valoir avec pertinence que la lettre de licenciement répond aux exigences légales de motivation dès lors qu’il n’est pas nécessaire qu’elle précise le niveau d’appréciation de la cause économique du licenciement quand l’entreprise appartient à un groupe, et qu’en cas de litige, il appartient à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué ;

Attendu que le lettre de licenciement de Mme A est suffisamment motivée dès lors qu’elle

mentionne :

— d’une part, un motif économique, à savoir une réorganisation de l’entreprise, en l’occurrence la « réorganisation des activités de l’UES Parker France »,

— d’autre part, l’incidence sur l’emploi, à savoir la suppression du poste de la salariée concernée ;

Le secteur d’activité pertinent :

Attendu que Mme A reproche aux premiers juges de n’avoir pas respecté les dispositions des articles 6, 12 et 16 du code de procédure civile en retenant que la Sales company constituait un secteur d’activité spécifique au sein de la zone EMEA, au regard duquel s’apprécierait le motif économique évoqué ; que ce moyen aurait été relevé d’office et n’aurait pas été discuté contradictoirement en première instance ; que la SALES Compagny ne constituerait que la force de vente et le mode de distribution de la totalité des produits de l’UES Parker France sur le territoire national qui, comme le relève d’ailleurs le conseil de prud’hommes assure « la promotion et la commercialisation de l’offre constituée par l’intégralité des produits des six groupes industriels de Parker » ; que la spécificité des Sales Companies tient à ce qu’elles assurent une activité de support aux différentes divisions européennes, organisée au niveau national ;

que les premiers juges n’auraient ainsi tiré aucune conclusion de leurs propres constats, en particulier pour la détermination de l’existence ou non de secteurs d’activité autonomes au sein du groupe ; qu’ils auraient confondu mode de distribution et secteur d’activité autonome, la force de vente d’une entreprise ne constituant qu’un service interne à l’entreprise, sans activité industrielle ou économique propre ; que les parties s’accordaient d’ailleurs sur ce point pour retenir que les services centraux, services supports, ou le « Corporate » de l’entreprise ne pouvaient être qualifiés de secteurs d’activité autonomes au sens juridique du terme pour la détermination du niveau d’analyse de la cause économique du licenciement ;

Attendu que l’employeur conteste lui aussi la décision des premiers juges sur ce point, précisant que, s’agissant d’une activité complémentaire à celle des activités productives, cela exclut la définition d’un secteur d’activité spécifique aux Sales companies ; qu’en revanche, les Sales Companies affectant directement les différentes divisions et leur compétitivité, leur coût étant répercuté aux différentes divisions, leur performance commerciale impactant aussi le volume de chiffre d’affaires de l’ensemble des divisions pour lesquelles elles interviennent ;

Attendu que la SAS Parker Hannifin France soutient qu’il est possible de lier directement les suppressions de postes dans chacun des sites à la nécessité de sauvegarder la compétitivité dans des secteurs d’activités distincts ; qu’ainsi, le licenciement des salariées qui travaillaient sur le site de Dijon serait lié aux réorganisations nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité des secteurs d’activité au sein des divisions EME et SSDE, affectées directement par l’activité de la Sales Company France ; que cette situation serait spécifique dès lors que, « comme précisé dans le plan de sauvegarde de l’emploi, les Sales Companies ont pour principale mission la promotion et la commercialisation de l’offre constituée par l’intégralité des gammes des produits des six groupes industriels de Parker (Groupe connecteurs, Hydraulique, automation, Filtration, Instrumentation et Engineered Materials) » ;

Attendu que la SAS Parker Hannifin France invite dès lors la cour, pour apprécier le motif économique de licenciement, à prendre en compte les différents secteurs d’activité de l’UES Parker France, lesquels seraient parfaitement définis ; que la commercialisation des activités de chaque division serait effectuée par une force de vente centralisée par pays, et regroupée dans une entité dénommée « Sales Company »; qu’il existe, dans ces conditions, une Sales company par pays en Europe, laquelle commercialise l’ensemble des produits développés et fabriqués par les sites européens ; que ce serait pour tenir compte de la spécificité de chaque clientèle et de chaque marché national, et des grandes disparités juridiques et organisationnelles existantes entre les différents pays, que des Sales Companies auraient été créées dans chaque pays, « fonctionnant de manière totalement autonome, sans pour autant être indépendantes puisque dépendantes directement des différentes divisions » ;

Attendu que, selon Mme A, les Sales Companies relèvent du « Corporate » ou des services généraux et ne peuvent être affectés à un secteur d’activité particulier dans le schéma organisationnel retenu par le Groupe Parker pour la mise en place de son plan de restructuration ;

que l’employeur ne pourrait soutenir, tout à la fois, que certaines de ses activités (productives ou CPM) relèveraient de plusieurs secteurs d’activité, au sein même de l’entreprise, et, que d’autres (services support), ne relèverait d’aucun secteur d’activité ;

que Mme A rappelle que le Livre II justifiait la restructuration de la Sales Company Française par son coût trop élevé au regard du chiffre d’affaires des activités Parker en France (15,7 %) alors que le ratio revendiqué par le groupe était de 10 % et que le benchmark effectué entre les différentes Sales Companies du secteur EMEA se serait révélé en défaveur de la France ;

qu’aucun secteur d’activité autonome n’étant revendiqué et ne pouvant être caractérisé pour les services support affectés par le plan de restructuration (Sales companies et FSU), la cour devrait retenir que la cause économique du licenciement ne peut s’apprécier qu’au niveau du Groupe Parker à laquelle appartient l’entreprise, et ce d’autant qu’il était démontré que le Corporate du Groupe faisait l’objet d’une organisation parallèle à celle de ses groupes de produits ;

Attendu qu’il résulte des éléments du dossier qu’un mécanisme d’optimisation fiscale (EBI) a été mis en ‘uvre en 2010/2011 ; que les Sales Companies ne relèvent plus directement d’un mécanisme franco-français après la mise en œuvre de l’EBI ; que la structure d’optimisation fiscale suisse du Groupe fait l’acquisition des matières premières permettant la production par les filiales de production (PHMF) qui lui rétrocèdent les stocks de produits finis qu’elle vend ensuite aux filiales de négoce (PHF) ; que l’organisation de la structure dont dépendent les salariés de la SAS Parker Hannifin France est pour l’essentiel extra-nationale et relève de l’EMEA Group ;

que le plan de sauvegarde de l’emploi prévoit, pour des raisons de rentabilité ou de rationalisation, une mutualisation des services financiers au niveau européen, en Pologne ;

que la note d’information et de consultation du comité central d’entreprise sur les dernières phases du projet EBI fait bien état de l’EMEA Group, qui constitue une structure de gestion et de recherche de compétitivité pour cette partie du monde ; qu’il importe de reprendre les termes de la description de ce groupe :

« La région EMEA constituant un marché vital pour le développement des activités de Parker avec un nombre important d’installations et de sites répartis au travers de la région, la direction du Groupe Parker Hannifin a décidé de déployer un nouveau modèle organisationnel devant permettre de renforcer les capacités de l’entreprise à générer croissance et profitabilité au sein de la région EMEA. Il s’agit du projet EBI lancé début FY 2011 qui permettra en outre à Parker de rester concurrentiel dans cette région.

Le projet EBI contribuera à renforcer nos performances financières et notre compétitivité en associant tous les sites Parker de la région en une seule organisation cohérente. Le regroupement dans chaque pays des activités de production et de vente au sein de deux entités juridiques distinctes ainsi que le transfert au siège européen de la propriété des stocks permettront de réduire les risques économiques pour les sites de production et les sociétés de vente locales.

Les sociétés de vente pourront ainsi se consacrer entièrement à ce qu’elles font le mieux : assurer la croissance de l’activité tout en continuant à centraliser les relations avec la clientèle et développer le savoir-faire unique de Parker dans la proposition de systèmes à forte valeur ajoutée à ses clients.

Les entités de production se consacreront à ce qu’elles font le mieux : développer et fabriquer les produits et les systèmes que propose Parker au travers de leur capacité d’innovation et d’optimisation de leurs performances industrielles » ;

Attendu que, lorsque l’entreprise appartient à un groupe comprenant d’autres entités qui interviennent sur le même secteur, la cause économique s’apprécie au niveau du secteur d’activité commun sans qu’il puisse être tenu compte de limites géographiques nationales ; que l’intimé indique que, pour statuer sur les litiges relatifs aux unités haut savoyardes du Groupe Parker, la cour d’appel de Chambéry, dans ses arrêts rendus le 28 août 2018 – lesquels n’ont pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation -, a retenu comme niveau pertinent d’appréciation du motif économique de licenciement des salariés, le Segment Diversified Industrial de la zone EMEA [Europe, Amérique latine, Asie pacifique] ;

Attendu que que l’existence d’un groupe Parker étant avérée, il appartient au juge de vérifier l’existence de la cause économique invoquée au niveau du secteur d’activité de ce groupe dans lequel intervient l’employeur ; qu’il lui incombe alors de déterminer la consistance de ce secteur d’activité avant de vérifier que le motif économique invoqué par l’employeur est établi à ce niveau ;

que c’est à l’employeur de justifier de la consistance de ce groupe et de celle du secteur d’activité concerné ;

Attendu que l’appartenance à un secteur d’activité résulte d’un faisceau d’indices, comme la nature des produits, la clientèle et le mode de distribution ;

Attendu que l’UES Parker France a défini, au sein de la société Parker Hannifin Manufacturing France, dans certaines divisions de produits – PDE, EME, SSDE, QCDE, […], Chomerics,VPDE – du segment « diversified industrial » du groupe, et au sein de certaines « bussiness unit » de ses groupes de produits, certains couples produits marchés dits « CPM » qui constituent à ses yeux des secteurs d’activité ;

Attendu que l’UES Parker France évoque la nécessité d’une restructuration afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité transports poids lourds de la division FSCE, du secteur agriculture de la division QCDE, du business unit moteurs de la division EME, des services comptables et financiers (FSU) de la société Parker Hannifin Manufacturing France et encore la nécessité de réorganiser la société Parker Hannifin France, Sales Company ;

Attendu qu’il résulte des éléments du dossier que l’UES Parker France, en dépit de la longueur de ses écritures et de l’importance des pièces communiquées, n’a pas défini tous les secteurs d’activité au sein de son groupe, et qu’elle n’apporte pas davantage la preuve que les différents couples produits/marchés [CPM] constitueraient des secteurs d’activités ;

qu’en effet, les différents produits fabriqués par le Groupe Parker – soit 900’000, selon ses propres allégations – peuvent servir plusieurs marchés et ne concernent pas spécifiquement les transports poids lourds, ni non plus l’agriculture ou encore les moteurs de la division EME ;

Attendu que la division FSCE [Fluid system connectors Europe] est spécialisée dans la connectique industrielle (raccords, tubes et vannes) ; que la plaquette de présentation du groupe fait état de tous les produits fabriqués (petites pièces) et des marchés servis : machines de construction, agriculture, « tranportation » [transport poids lourds], mobile, machines industrielles, pétrole et gaz ;

Attendu que la SAS Parker Hannifin Manufacturing France ne peut sérieusement soutenir qu’il serait légitime de définir un secteur d’activité pour un unique marché (transport poids lourds) alors que les produits destinés à ce marché le sont pour d’autres marchés, qu’il n’y a pas de spécificité des produits destinés à une clientèle particulière et qu’il n’existe, au surplus, au sein du Groupe Parker, qu’un seul mode de distribution de ses produits qui s’effectue au sein des sales company présentes dans chacun des pays de la zone EMEA (Europe, Moyen Orient, Afrique) et en France par la société Parker Hannifin France ;

que le secteur agriculture de la division QCDE [quick coupling division Europe] spécialisée dans l’activité des coupleurs rapides, pneumatiques et hydrauliques, dont les produits concernent les marchés des machines de construction, industrielles, l’agriculture, pétrole et gaz, camions hydrauliques, production d’électricité et d’énergies, ne peut davantage constituer un secteur d’activité ;

que le fait que le site de Dijon soit spécialisé dans la « business unit » moteurs de la division EME (electromechanical Europe) qui conçoit ou fabrique des composants électroniques pour l’automatisation industrielle et le fait que les autres « business unit » soient situés sur le site d’Offenbourg en Allemagne et de Cinesillo en Italie n’en fait pas pour autant un secteur d’activité autonome ;

que le Groupe Parker offre une gamme globale de produits très variés concernant le contrôle et le mouvement dans les technologies de l’aérospatiale, de la climatisation et réfrigération, du contrôle des procédés, de l’électromécanique, de l’étanchéité et la protection contre les interférences électromécaniques, la filtration, l’hydraulique, le pneumatique, le traitement du gaz et des fluides ; que si, sur un plan administratif, le groupe Parker est organisé en groupe de produits, il résulte des pièces versées au débat qu’un même type de produit pouvait servir plusieurs marchés ;

que, dans ces conditions, il y a lieu, pour apprécier s’il y a menace sur la compétitivité, de prendre en considération, comme secteur d’activité pertinent, l’ensemble des activités du segment « diversified industrial » lequel comprend toutes les divisions de produits pour la zone EMEA ;

Attendu que la société Parker Hannifin France établit que les produits fabriqués dans la zone EMEA sont essentiellement destinés au marché de ces zones, qu’ils sont nécessairement différents de ceux des autres zones, alors surtout qu’ils répondent à des normes différentes ; qu’ils ne sont pas destinés à la même clientèle ; que leur mode de distribution est différent, les Sales compagnies n’existant que dans la zone EMEA ;

Attendu que la société Parker Hannifin France ne justifie pas qu’une réorganisation était nécessaire en raison d’une menace sur sa compétitivité, alors qu’il résulte des documents versés au débat qu’aucun produit du Groupe Parker ne contribue de plus de 1 % du chiffre d’affaires total du groupe et qu’aucun client ne représente à lui seul plus de 3 % du chiffre d’affaires ;

Attendu que, dans les plaquettes annexées aux rapports annuels du Groupe Parker, le segment « Diversified Industrial » est divisé en trois domaines :

— Motion Systems,

— Flow & Process Control,

— Filtration et Engineered Materials,

eux-mêmes subdivisés en six groupes de produits :

— Motion Systems :

. Hydraulics Group,

. Automation Group,

— Flow & Process Control :

. Fluid Connectors Group,

. Instrumentation Group,

— Filtration et Engineered Materials,

. Filtration Group,

. Engineered Materials Group.

que le Groupe PARKER ne verse au débat aucun document permettant de vérifier la performance économique en termes de chiffre d’affaires, de marge et de résultat au niveau des trois domaines du Segment Diversified Industrial, ni des six groupes de produits structurés sur le plan mondial ;

Attendu, par ailleurs, qu’aucune analyse financière ou de compétitivité n’est produite pour les divisions du groupe ; que le Livre II ne comporte au demeurant que la précision du chiffre d’affaires (Net Sales) pour les divisions suivantes :

— FSCE (article 3.1.1.4),

— QCDE (article 3.2.1.3),

— EME (article 3.3.1),

— SSDE (article 3.4.1) ;

que ces données ne permettent aucune comparaison en termes de chiffre d’affaires d’une année sur l’autre et moins encore en termes de compétitivité ou de rentabilité ;

que Mme A précise, pour indiquer un ordre de grandeur, que le seul « CPM » dont la fabrication a été remise en cause sur l’établissement d’Annemasse et relevant de la division QCDE, à savoir le « CPM » agriculture, ne pesait en 2013 que 5.9 KUSD alors que le chiffre d’affaires de la division était de 107.7 KUSD ; que, s’agissant des variateurs électroniques de gamme « Digivex » fabriqués à Dijon, ils ne pesaient que 2,9 KUSD alors que le chiffre d’affaires de la division SSDE était de 60.8 KUSD ;

Attendu que la SAS Parker Hannifin France ne pouvait se contenter de produire, pour justifier la nécessité de sa réorganisation, une simple feuille selon laquelle les ventes auraient diminué de 2,8 % en France entre 2012 et 2013, et que le ratio taux de dépense/ventes aurait été élevé pour l’exercice fiscal de l’année (« FY ») 2013, représentant 15,6 % ;

que, si le tableau des ventes de la zone EMEA fait apparaître une légère diminution des ventes en 2013 par rapport à 2012 (2 353 944 KUS$ au lieu de 2 428 859 KUS$), il mentionne une augmentation de celles-ci en 2014 par rapport à 2013 (2 439 854 KUS$ en 2014) ; que le ratio dépenses/ventes européen a diminué entre 2013 et 2014 (passant de 13 % à 12,7 %) ; que le ratio d’autres pays européens était, de surcroît, plus élevé que celui de la France ;

Attendu que, faute par la SAS Parker Hannifin France de permettre la vérification de ce que la

réorganisation de l’entreprise ne visait pas à une simple rationalisation des coûts ni à une augmentation des profits mais avait réellement un objectif de sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, la cour ne peut que confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a retenu que la juridiction prud’homale n’était pas en mesure de vérifier le bien-fondé des explications exposées dans la lettre de licenciement, et notamment la nécessité de la réorganisation pour préserver la compétitivité de l’entreprise ;

Attendu que, privé de ce fait de motif économique, le licenciement de Mme A se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu, dans ces conditions, d’analyser le moyen tiré du manquement par l’employeur à son obligation de reclassement ;

Sur l’indemnisation du préjudice subi par Mme A :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Attendu que les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi destinées à faciliter le reclassement des salariés licenciés et à compenser la perte de leur emploi – qui ont représenté pour Mme A une somme de 50 000 euros – n’ont ni le même objet ni la même cause que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui réparent le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l’emploi ; que cela ne dispense en aucune manière la salariée – comme le fait valoir légitimement l’employeur – de devoir justifier l’importance de son préjudice si elle entend solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant supérieur au minimum légal ;

Attendu que, compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme A [en fonction d’un revenu moyen mensuel brut de 3 508,45 euros], de son âge [quarante-deux ans], de son ancienneté [14 années], et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, étant observé que l’intéressée a retrouvé dès le 1er octobre 2015, un emploi en contrat à durée indéterminée lui permettant de percevoir un revenu mensuel de 3 375 euros, il y a lieu de lui allouer une indemnité d’un montant de 24 000 euros ; que le jugement est infirmé sur le quantum de l’indemnité que la société a été condamnée à payer au salarié/à la salariée ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme C A est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Parker Hannifin France à payer à Mme C A une indemnité de 24 000 euros, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Parker Hannifin France à payer à Mme C A une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de l’instance.

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